Aux origines du Système solaire, des cristaux millimétriques au cœur de certaines météorites
RETROSPECTIVE. Comprendre la formation de notre Terre et des planètes en général fait partie des grandes questions scientifiques actuelles. Les chondres, qu’on retrouve au cœur de certaines météorites, constitueraient également les briques élémentaires à l’origine des planètes telluriques. Dans cette étude, des chercheurs de l’IPGP ont utilisé une nouvelle méthode pour dater ces chondres, permettant de lever un peu plus le voile sur les processus à l’origine de notre Système solaire.
Selon les modèles actuels, les planètes telluriques de notre Système solaire se sont formées il y a plus de 4,5 milliards d’années, par l’accrétion de particules rocheuses, qui de collision en collision, forme à leurs tours des corps de plus en plus massif aux points de donner naissance aux protoplanètes, les embryons des futures planètes que l’on connaît aujourd’hui. Mais si ce scénario est connu dans les grandes lignes, les différentes étapes de ce processus restent encore méconnues.
Si la découverte d’exoplanètes, aux caractéristiques très différentes de celles de notre système solaire, ouvre des perspectives essentielles sur les processus de formation planétaire, c’est l’étude des météorites qui renseigne aujourd’hui principalement sur la cosmogonie de notre Système solaire. En effet, les météorites que l’on retrouve sur Terre se sont formées tout au long de l’Histoire primitive de notre Système solaire et constitue donc des analogues intéressants aux différentes étapes de formation des planètes.
Les chondrites se révèlent en cela particulièrement précieuses, puisque non seulement ces météorites comptent parmi les objets les plus primitifs du système solaire, mais elles ont été formées à partir des mêmes matériaux à l’origine de notre étoile et des planètes qui l’entourent. De plus, les chondrites sont ce qu’on appelle « non différenciées », c’est-à-dire qu’elles sont restées chimiquement stables depuis leur formation, il y a plus de 4,5 milliards d’années.
Les chondrites sont essentiellement constituées de chondres, des particules submillimétriques formées lors de la cristallisation de liquides silicatés et métalliques en microgravité. Ce sont donc ces chondres qui seraient également à l’origine des embryons planétaires. L’étude des chondres permettrait alors de contraindre fortement les modèles de formation des planètes. Pourtant, l’âge et les processus de formation de ces dernières restent sujets à débat au sein de la communauté scientifique depuis des décennies. Il est en effet très difficile d’effectuer des mesures précises sur ces matériaux, et particulièrement de donner un âge à de tes échantillons par des méthodes de datation isotopique.
Dans cette étude, les chercheurs ont réussi à dater des chondres en se basant sur des analyses fines des abondances des isotopes de chrome. Pour cela, ils se sont focalisés sur des chondres issus d’un type de chondrite particulièrement rare, les chondrites à enstatite, dont la composition chimique est proche de celle de la Terre. Les chondres étudiés ont été extraites d’une chondrite à enstatite très peu altérée trouvée dans le Sahara. Puis elles ont été analysées par un spectromètre de masse afin de mesurer leur teneur en chrome pour la datation. Résultats : ces chondres auraient été formés il y a 4,565 milliards d’années, soit 1,6 million d’années après la formation des premiers solides du Système solaire.
De plus, l’analyse isotopique du chrome a permis d’identifier, parmi les chondres prélevés, des chondres analogues à celles qu’on trouverait plutôt dans des chondrites carbonées. Hors celles-ci sont non seulement plus vieilles que les chondres au profil enstatite, mais elles se sont aussi formées dans le Système solaire externe (qui correspond aujourd’hui à une orbite au-delà de celle de Jupiter). Ce résultat suggère ainsi que les différents types de chondres se sont formés à différents moments, lors de la naissance du système solaire. Mais également que de la matière du Système solaire externe primitif aurait pu s’intégrer au processus d’accrétion des embryons planétaires.
Références :
Zhu, Ke, Frédéric Moynier, Martin Schiller, et Martin Bizzarro. “Dating and Tracing the Origin of Enstatite Chondrite Chondrules with Cr Isotopes”. The Astrophysical Journal 894, no 2 (mai 2020): L26. https://doi.org/10.3847/2041-8213/ab8dca
Le LabEx UnivEarthS a contribué à cette recherche par le financement de l’ancien projet Interface “De la poussière aux planètes” (I6).
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