La quête de la matière noire compatible avec la recherche des supernovae
Les expériences DarkSide-20k et ARGO, dédiées à détection directe de la matière noire, s’avèrent également adaptées à la détection de neutrinos cosmiques, et notamment des neutrinos émis lors de supernovae à effondrement de cœur. Le résultat présenté ici revient sur la sensibilité de ces détecteurs de matière noire dans la recherche d’événements neutrino issus de supernovae.
DarkSide-20k et ARGO sont des futurs détecteurs à argon liquide dédiés à la recherche directe de la matière noire. Leur ojectif est en particulier de détecter les interactions entre des noyaux d’argon et des « particules massives interagissant faiblement » (Weakly Interacting Massive Particles – WIMP). Les WIMP sont des particules hypothétiques candidates à l’explication de la matière noire, qui reste un des grands mystères de la cosmologie moderne. En effet, la matière noire constitue environ 27% de la densité d’énergie totale de l’Univers, contrairement à la matière ordinaire qui en compose seulement 5%. Pourtant, les scientifiques ne connaissent toujours pas la nature véritable de la matière noire, et celle-ci n’a jamais été directement détectée.
Dans ces expériences, l’énergie d’un WIMP est déposée dans le volume d’argon par collisions élastiques. Cette énergie de recul accumulée par les noyaux d’argon produit des évènements de scintillation propre à la nature du WIMP. Des photodétecteurs avec une grande résolution temporelle captent ces signaux et permettent la discrimination de ces évènements avec ceux du bruit de fond radioactif.
Cependant, ce processus de détection des WIMP est également compatible avec la détection de neutrinos : un neutrino rentre une collision avec un noyau d’argon et l’énergie de recul induite par cette rencontre peut aussi être mesurée par ces détecteurs. Ainsi, DarkSide-20k et ARGO se retrouvent tout à fait adapter pour la détection de neutrinos émis par des événements astrophysiques, notamment les supernovae à effondrement de cœur.
Les supernovæ à effondrement de cœur sont des explosions très énergétiques produites lors de l’effondrement d’une étoile massive en fin de vie (dont la masse excède 10 masses solaires). Elles comptent parmi les phénomènes les plus violents et lumineux de notre ciel. Or, 99% de cette énergie est émise sous forme de neutrinos. Ces derniers représentent donc les “messagers” idéaux pour étudier les étapes finales de l’évolution stellaire. De plus, l’observation de neutrinos émis par une supernova peut également jouer un rôle clé afin de mieux comprendre les neutrinos eux-mêmes, en posant notamment des contraintes dans la recherche des masses.
Ce résultat, publié par la collaboration DarkSide qui inclus des chercheur·ses du laboratoire APC, confirme que les expériences DarkSide-20k et ARGO sont bel et bien suffisamment sensible pour détecter des supernovae à effondrement de cœur issus d’étoiles d’au moins 11 masses solaires. La sensibilité de DarkSide-20k serait suffisante pour détecter de telles supernovae dans notre galaxie, tandis qu’ARGO pourrait même détecter ces supernovae jusqu’au Petit Nuage de Magellan, galaxie naine voisine de notre Voie Lactée.
De plus, DarkSide comme ARGO devrait non seulement être en mesure d’estimer l’énergie totale en neutrino émise par une supernova, mais également de reconstruire le flux de neutrinos, avec une résolution temporelle de 1,1 et 1,6 milliseconde respectivement. Enfin, ces expériences pourraient aussi être intégrées au réseau d’alerte SNEWS 2.0 de détection de supernovae (voir ici), ainsi qu’apporter des limites à la question de la hiérarchie des masses des neutrinos.
Références :
Agnes, P., S. Albergo, I. F. M. Albuquerque, T. Alexander, A. Alici, A. K. Alton, P. Amaudruz, et al. « Sensitivity of future liquid argon dark matter search experiments to core-collapse supernova neutrinos ». arXiv:2011.07819 [astro-ph, physics:physics], 31 décembre 2020. https://doi.org/10.1088/1475-7516/2021/03/043
Le LabEx UnivEarthS a contribué à cette recherche par le financement de l’ancien projet Jeune Équipe “Recherches directes de matière noire au travers de détecteurs à l’argon liquide” (JE2).
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